Un diagnostic paradoxal
INTRODUCTION
Bonjour à tous, je vous souhaite la bienvenue à cette deuxième chronique de mon blog Résilience. Au cours de cette chronique, je vous raconte de quelle façon le diagnostic est arrivé dans ma vie! Passer des années de sa vie dans l’inconnu, dans le doute, à se faire dire qu’on est fainéant, qu’on se plaint pour rien et que ce qu’on traverse c’est dans notre tête…Ce n’est pas évident. Consultation médicale par-dessus consultation médicale sans obtenir de réponse pour finir un beau jour par se faire annoncer par hasard…? Bon ce n’est pas tant que je crois au hasard, en fait, je dirais surtout que pour moi il n’existe pas, mais ça ce sera certes le sujet d’une future chronique. C’est fascinant comment un événement inattendu peut changer une vie! Installez-vous confortablement et laissez -vous transporter! Bonne lecture.
OMBRE À L'HORIZON
Formation et début de carrière
J’ai gradué du collège Ahuntsic en techniques ambulancières à la fin 2001. Après un début de carrière un peu tumultueux, je me suis retrouvé au printemps 2002 chez Urgences-Santé à titre de technicien ambulancier paramédic (TAP). D’ailleurs, nous étions plus de 80 dans mon groupe d’embauche et si ma mémoire est bonne, nous avons été uniquement 15 candidats à être sélectionnés. Vous allez saisir quand je vous dis que pour moi, le hasard n’existe pas. Paramédic, qui plus est, dans la grande ville, aura pris une tournure bien imprévisible!
Nous sommes maintenant rendu à l’automne 2002. Ça fait déjà quelques mois que j’exerce un travail stimulant, que je voulais pratiquer depuis bien longtemps déjà. Malgré le fait que je ressens encore, parfois, ce sentiment d’impuissance, là au moins j’ai l’impression que je fais une différence.
Je continue toujours à avoir divers ennuis de santé. Rien de majeur (mis à part le fait que je sois sourd de l’oreille droite), le reste, je réussis à négocier relativement bien avec. Je m’entraîne cinq à six fois par semaine, car c’est important lorsqu’on pratique une profession comme celle de paramédic de se tenir en bonne condition physique. Je travaille comme un forcené et ma vie, disons-le, roule relativement normalement… mais il y a une ombre au tableau!
Quand le corps parle
Depuis un certain temps, je travaille avec une partenaire de façon régulière. Nous travaillons sur un horaire de nuit. Fouillez-moi pourquoi, mais j’avais pris l’habitude de prendre ma pression artérielle à chaque occasion que nous étions en centre hospitalier. Les résultats sont, disons-le, un peu alarmant! Ma pression semble pas mal plus élevée que la normale. Une infirmière me pousse à la blague :
« Normal, le travail de nuit, ça peut faire monter la pression! »
Ma partenaire la prend aux mots et décide de prendre elle aussi sa pression. Pourtant, elle, elle a une pression d’athlète! Je vous rappelle que nous sommes tous les deux à travailler de nuit, dans le même véhicule ambulancier et sur les mêmes appels! Alors voulez-vous bien me dire ce qui cloche avec moi? De toute façon, je suis bien trop occupé pour être malade! Cette phrase me donne des frissons maintenant, lorsque je l’entends!
Il m’arrive de me là faire sortir par mon entourage ou des gens que je connais et à chaque fois j’ai la même réaction: ah ok…faque si je prends ton raisonnement…moi j’ai tout mon temps pour être malade??? En passant, lorsque la vie décide que ça arrête là…fiez-vous sur moi…ça arrête LÀ! Personne ne te demandera si tu as le temps ou si tu es disponible pour ça. Bref…
L'appel 911 qui changera tout
Un soir d’automne en 2002, moi et ma partenaire de travail répondons à un appel logé au 911 pour personne gisant au sol. Nous sommes en pleine nuit et ce n’est pas un appel qui sort de l’ordinaire. Du moins, pas si ont se fient à la fiche appel que l’on retrouve dans notre véhicule ambulancier.
À notre arrivée sur place, ont se fait diriger vers une dame qui est allongée au sol. Malgré le fait qu’elle soit consciente, ont nous informent qu’elle serait possiblement tombée dans les marches selon des témoins (tombée…disons-le, débouler!). Nous procédons selon le respect des protocoles d’interventions en vigueur et pendant que nous immobilisons la dame, par accident, elle nous a crache en plein visage!
À cette époque, nous avions des lunettes de protection que nous étions supposés porter à chaque appel. Moi, comme plusieurs autres collègues de l’époque, on trouvait ça ben trop fatiguant à porter alors nous les avions dans le cou, la plupart du temps plutôt que de les porter dans notre visage, mea-culpa, mea-culpa! Il faut comprendre qu’avec le masque et la buée, ça devenait plus problématique qu’autre chose. En passant, juste cette phrase, cette attitude-là, m’aurait fait retrousser le poil sur les bras quelques années plus tard alors que je complétais un certificat universitaire en Santé et Sécurité du Travail! Et que je comprenais encore plus l’importance des équipements de protection!
Comme le protocole l’exige, lorsqu’un contact avec des liquides biologiques se produit, nous devons nous rendre (à l’intérieur de deux heures) dans un centre hospitalier désigné à cet effet afin de passer des tests sanguins et avoir un suivi. C’est au médecin de l’urgence, à ce moment-là, de décider si la personne qui a été contaminé doit se soumettre à la trithérapie. Pour ceux qui l’ignores, la trithérapie est donnée, dans un contexte comme celui-ci, si le médecin suspecte une possible contamination au VIH! Oui oui, vous avez bien entendu. Mais suspicion ou pas…toi tu vis avec cette épée de Damoclès suspendu au-dessus de la tête durant quelques semaines…ça vous trouble une vie je vous en passe un papier!
Cependant, dans notre cas, nous nous en sommes sauvés uniquement avec un suivi médical ainsi qu’un bilan sanguin de routine une semaine plus tard! Le médecin de l’urgence ayant jugé le risque trop minime pour décider de traiter. Plus de peur que de mal! Leçon de vie…portez vos lunettes de protection quand vous travaillez! Vos yeux sont précieux et ne risquez pas de les endommager juste par négligence. Fait étrange, dans mon cas, si je les avais portés, je ne serais probablement pas en train de vous raconter cette histoire, ce n’est tout de même pas rien!
Protocole post-exposition
La semaine suivante, je suis allé à mon suivi pour le protocole post-exposition, qui était au même centre hospitalier, qui d’ailleurs est un centre universitaire. Vous souvenez-vous, dans la première chronique, je vous ai parlé de taches qui ressemble à des pétéchies, dans la région pubienne? Bon ben quand j’ai rencontré le médecin, je lui ai montré en lui demandant si c’était possible de voir un dermatologue. Étant dans un centre universitaire, j’aurais peut-être plus de chance de rencontrer quelqu’un qui fait de la recherche.
De toute façon, je voulais savoir ce que c’était, parce qu’à 26 ans, célibataire, tu dis quoi à une personne que tu rencontres, surtout dans la vie intime? Je ne sais même pas si c’est contagieux ou dangereux! Tout ce que je sais c’est qu’à de rares occasions, ça saigne un peu, ça guérit, ça pique (comme une plaie qui cicatrise) et c’est tout! Vous auriez dû voir le visage du médecin! Clairement, il n’avait jamais vu ça de sa carrière et il me donna donc une consultation en dermatologie!
Diagnostic étrange...
Quelques jours plus tard, je suis donc allé à mon rendez-vous en dermatologie. C’était loin d’être la première fois que je consultais en dermato pour cette raison d’ailleurs.
La dermatologue qui m’a reçu a changé de visage en voyant ma peau! Elle est partie quasiment en courant et est revenu aussi vite avec un livre de médecine, plus épais qu’une brique. Elle le dépose sur son bureau…le bureau en a tremblé tellement le livre était lourd! Elle l’ouvra à une section précise en me pointant une image du doigt et me dit :
« Je pense que c’est ça que t’as!!!
- Ok, mais ça là là, c’est quoi ça au juste?
- Ça s’appelle la maladie de Fabry! J’en ai jamais vu dans ma carrière! »
Puis elle repart aussi vite, mais pour cette fois, revenir avec une tonne de collègues tous plus excités les uns les autres de me voir! J’étais soudainement devenu comme une sorte de bête de cirque! Ils prenaient des photos, me tournaient autour, touchaient, regardaient! Assez qu’à un moment donné j’lance :
« Quelqu’un peut me dire ce qui se passe svp?? Je suis là en passant! »
La dermatologue m’explique que c’est une maladie très rare et qu’elle ne sait même pas comment faire pour diagnostiquer ça de façon officielle! Je suis ressorti du bureau avec à peu près une dizaine de demandes de consultation dans diverses spécialités ainsi qu’un bilan sanguin. Réflexe intéressant de sa part, elle s’est assuré que mon bilan sanguin soit transmis en génétique à l’hôpital Ste-Justine, qui, à l’époque, était dans les rares qui étaient en mesure de tester cette maladie. Je suis donc ressorti de l’hôpital, un brin ébranlé, je dois l’avouer! Elle m’a mentionné quelque chose juste avant que je quitte :
« Ne vous inquiétez pas, je ne crois pas que ce soit très grave »
Le diagnostic et le bâton de baseball
Bon si une spécialiste me dit que ça ne doit pas être très grave, je n’ai pas lieu de m’inquiéter et puis je suis reparti chez moi afin de me reposer de ce qui venait tout juste de se produire. J’étais allez à la consultation tout de suite après mon quart de travail de nuit. Cependant, en arrivant chez moi, j’ai contacté mon père afin de lui annoncer que j’étais possiblement atteint d’une étrange maladie mais que je n’en savais pas plus!
J’ai d’ailleurs accepté l’invitation de la dermatologue à participer à un congrès de dermatologie quelques semaines plus tard afin de me présenter et de pouvoir montrer un cas réel de Fabry. Par expérience, il n’y a rien de mieux pour l’apprentissage que des cas réels! J’avais donc accepté de prêter mon corps à la science. Si mon cas pouvait faire en sorte qu’un spécialiste, un médecin ou autre, découvre quelqu’un et que ça puisse permettre à cette personne d’éviter les souffrances et l’inconnu que je traverse, bien ce sera déjà ça de fait! 26 ans dans le doute…je vous jure, ce n’est pas rien! Et pour revenir sur l’histoire de la pression artérielle trop élevée, ça aura pris tout son sens avec le diagnostic. Au fond, mes reins étaient déjà atteints par la maladie et la combinaison de cette atteinte plus la maladie faisait monter ma pression. Ce n’était pas parce que je travaillais de nuit ou que j’étais stressé ou autre, il y avait bel et bien un fondement sous ce symptôme!
Tenter de comprendre
C’est l’époque où l’internet commençait…vous vous souvenez, une époque où l’internet devait se connecter via la ligne téléphonique! Bon bien mon père avait déjà prévu acheter un nouvel ordinateur pour la famille afin d’aider pour l’école. Mon père a donc décidé non seulement d’acquérir le dit ordinateur, mais de commencer à effectuer des recherches sur internet afin d’en apprendre un peu plus sur la mystérieuse maladie en question.
Pour ma part, je ne sais pas pourquoi, mais je n’avais même pas envie d’en entendre parler. Je ne sais pas si c’était un mécanisme de protection ou de la peur, mais peu importe… j’voulais juste pas y penser! Quelques jours plus tard, mon père m’appelle en catastrophe :
« Michel, je viens d’en apprendre un peu plus sur la maladie de Fabry. Il semble y avoir beaucoup de cas en Europe mais ça semble moins connu par ici. De plus, je viens de lire que l’espérance de vie pour les hommes atteints serait de 40 ans! »
Ok, comme ça là, mon père venait de m’annoncer que si, je dis bien si, j’étais effectivement atteint de cette maladie, j’allais possiblement mourir autour de 40 ans! Entre ça et un coup de bâton de baseball en arrière de la tête… je pense que j’aurais choisi le bâton! Le pire dans tout ça, c’est que je ne savais toujours pas, officiellement, si j’étais affecté ou non!
ET UNE FAMILLE DE PLUS
La confirmation du diagnostic
C’est évidemment une époque où, je n’avais pas de cellulaire. Ce que j’avais comme moyen de communication secondaire était un téléavertisseur! Pour les plus jeunes, c’était un petit gadget que l’on pouvait accrocher à la ceinture et sur laquelle apparaissait un numéro de téléphone, à rejoindre. Ce n’était que pour recevoir des numéros de téléphones, mais on ne pouvait pas appeler avec!
Je reçois un appel sur mon fameux télé-avertisseur. Ne reconnaissant pas le numéro, je m’empresse de trouver un téléphone avec ligne terrestre. C’était une journée froide, humide, maussade…le genre de température où t’évites les mauvaises nouvelles.
Je compose le numéro : ça sonne! La ligne décroche et la personne qui répond se présente comme étant infirmière. Elle m’avise qu’elle travaille avec un médecin qui est a la charge d’un département de recherche sur la maladie de Fabry, dans un hôpital du nord de Montréal. Elle m’annonce qu’ils ont été contactés par Ste-Justine à l’effet qu’une nouvelle personne venait de recevoir un diagnostic positif à la maladie de Fabry!
Maintenant le coup de bâton!
Voilà, BOOM!, drette comme ça, je venais d’apprendre que c’étais clair que j’étais atteint de la maladie de Fabry! Wow tant de questions, si peu de réponses! L’infirmière en question m’a donc proposé un rendez-vous afin de les rencontrer et d’en apprendre un peu plus sur ce qu’est cette étrange maladie. Je me retrouvais donc pris en charge pour une maladie qui, quelques jours auparavant, n’existait pas dans ma tête!
Pendant quelques instants, après avoir raccroché, je me suis retrouvé étourdi, hors du temps, comme si je venais de me ramasser dans une autre dimension! Une nouvelle de la sorte, ça décoiffe je vous le confirme! Je devenais ainsi le premier membre de la 9e famille officiellement diagnostiquée au Québec. D’ailleurs, mon chemin tumultueux aura permis de découvrir que plusieurs autres membres de ma famille en sont atteints eux aussi. Ils sont, pour la plupart, maintenant pris en charge et soignés.
Le paradoxe d'un diagnostic grave
Vous vous souvenez du titre de cette chronique? Un diagnostic rempli de paradoxe? Bien c’est exactement ça que je ressentais à ce moment-là. C’est-à-dire, tout le paradoxe de cette annonce! Tout d’abord, de la peur et surtout…l’inconnu! Qu’allait-il m’arriver, était-ce si grave que ça? Existait-il un traitement? Est-ce que j’allais réellement mourir jeune? Et en même temps, c’est comme si une tonne de brique venait de tomber de mes épaules. Tant d’années de souffrance, d’incompréhension, de doute…venaient tout à coup de se dissoudre dans le temps! On venait de me confirmer que je n’étais pas fou, que je ne me plaignais pas pour rien! Nenon, j’étais bel et bien atteint d’une maladie rare!
CONCLUSION
Hasards?
Les hasards de la vie sont parfois étranges! Chose certaine, c’est souvent avec du recul et parfois beaucoup, que le tableau devient plus clair. Vous comprendrez donc, que pour moi, le hasard n’existe pas. Car qu’elles étaient les probabilités que je me retrouve, sur cet appel 911, à ce moment précis et à vivre cet événement précis? C’est d’ailleurs toute ma vie qui est une succession d’événements qui ont mené au diagnostic.
Et vous, avez-vous des histoires de hasard du genre? Croyez-vous au hasard ou au destin?
Chers lecteurs, chères lectrices, ce fut un plaisir de partager ce moment en votre compagnie, où que vous soyez, gardez courage et espoir, car la vie peut prendre parfois des tournures fascinantes.
Prenez-soin de vous et à bientôt